Cézanne et moi

Paul Cézanne et Émile Zola sembleraient s’être brouillés à la parution d’un roman de l’écrivain, L’Œuvre, dans lequel le peintre se serait reconnu. Au côté un peu scolaire et appliqué des explications conflictuelles entre les deux artistes, la réalisatrice joue d’un effet assez lourd, parce que répétitif, de révélations dans un hors champs dévoilé pour relancer les inimités (sous la fenêtre du jardin, dans l’escalier de l’appartement ou dans la foule). Pourtant, en laissant entrevoir aussi une autre piste, celle de l’inversion des classes sociales des deux personnages, le film prend un tournant plus intéressant et cruel qui donne une nouvelle envergure aux jeux de ses interprètes. Cézanne, issu de la bourgeoisie, protégea le petit Zola élevé par une mère veuve et démunie. Artiste maudit (reconnu en partie sur le tard) en rébellion contre son milieu (son père), Cézanne assista à la réussite que son ami, confronté trop jeune aux aléas de la vie (décès de son père et déclassement), s’appliqua à gagner et à consolider. Deux fragilités antagonistes qui finissent par bien transparaître dans le jeu en retrait de Guillaume Canet, comme trop petit pour le costume du grand écrivain, et dans celui plus outré et à fleur de peau d’un Guillaume Gallienne révélant chez le peintre une ténacité à toute épreuve.

Laurence Kempf